Poétiques de la poussière, expériences des frontières 

Les 5 et 6 octobre 2023 s’est tenu à l’IMEC (abbaye d’Ardenne) et à l’université de Caen le colloque « Poétiques de la poussière, expériences des frontières » coorganisé par Cécile Brochard (université de Nantes) et Anne Gourio (université de Caen). Deuxième temps fort du projet « Matières poétiques. L’élémentaire en poésie moderne et contemporaine » ouvert en 2019, ce colloque a réuni treize chercheurs et chercheuses spécialistes des poésies française et étrangères autour de la poussière, cet élément insaisissable et irréductible qui hante la création poétique aux XX^e et XXI^e siècles.

« La poussière illumine. La montagne, faible lampe, apparaît »

A. du Bouchet

Le projet de ce colloque est né d’une réflexion sur l’état hybride de la poussière : à la limite de l’immatérialité, la poussière inscrit le poème dans le monde de l’ambiguïté, de la frontière, du seuil, la matière dispersée pouvant tout aussi bien signifier l’anéantissement par la pulvérisation que la dissémination fertile. Cette ambigüité de l’imaginaire pulvérulent se double d’une équivocité de l’expérience, entre visible et invisible, présence et absence, matérialité et immatérialité, physique et métaphysique. L’exploration d’un état tangent et hybride pourrait-il être ce qui, alors, occupe le poétique à l’ère moderne et contemporaine, et l’une des modalités de sa présence au monde ? Si le XX^e siècle artistique et poétique se porte vers la poussière, il s’agit d’en interroger les incidences tant ontologiques (qu’est-ce qu’écrire désormais sur fond de hasard ?) que phénoménologiques (qu’est-ce que faire l’expérience du poudroiement ou de l’interstice ?) ou esthétiques (la brisure, l’émiettement, la pulvérisation témoignent-ils d’un refus des perspectives esthétiques totalisantes et/ou englobantes ?).

Le colloque a, pour ce faire, exploré un ensemble d’hypothèses à la croisée de perspectives historique et culturelle, poétique et linguistique, esthétique, physique et métaphysique. Il a ouvert son parcours sur une session intitulée « Poussières sculptées » consacrée au dialogue entre les poètes et les artistes que la poussière a requis au XX^e siècle (Alberto Giacometti, Alexandre Hollan). A suivi une réflexion sur les relations paradoxales entre « pulvérisations et survivances » chez René Char, Pierre Chappuis et James Sacré. Les enjeux philosophiques, anthropologiques et politiques de la poussière en poésie ont ensuite été explorés dans les œuvres de Henri Michaux, de Salvatore Quasimodo et de trois poétesses libanaises, Vénus Khoury-Ghata, Nasia Tuéni et Claire Gebely. A suivi un temps consacré à l’imaginaire de la « germination » chez François Cheng et Philippe Jaccottet. Enfin le dialogue entre « visible et invisible » en poésie (Georges Schehadé, Marina Tsvetaeva) et en arts plastiques (Jorge Otero-Pailos) a nourri la dernière session du colloque.

Un entretien avec Irène Gayraud autour de son recueil Téphra (Al Manar, 2019), mené par les étudiants du Master recherche de l’Université de Caen, a clos la première journée. Une visite de l’exposition « Tables de montage » autour de l’œuvre de Georges Didi-Huberman, à l’IMEC, est entrée en dialogue fécond avec les hypothèses du colloque.

Ont participé : Thomas Augais (Sorbonne université), Olivier Belin (université de Rouen), Caroline Bérenger (université de Caen), Francesca Balsamo (EHESS et université de Rome), Marie Bourjea (université de Montpellier), Lydie Cavelier (université de Picardie), Martine Créac’h (université Paris 8), Théo Fourmond-Lecoq (Sorbonne Université), Laure Ginestet (université de Caen), Camille Lotz (université de Montpellier), Héloïse Moschetto (université d’Aix-Marseille), Elise Tourte (université de Strasbourg), Guochuan Zhang (INALCO).

Anne GOURIO (LASLAR, Université Caen Normandie)

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