Autour de la parution de la traduction française de “L’engagement esthétique” d’Arnold Berleant

Une séance commune entre les séminaires PhiLia et celui de l’équipe Identité et subjectivité intitulé “La Terre” s’est déroulée le 22 novembre à la MRSH. Une quarantaine de participants étaient présents en salle des actes, en sus des participants à distance, pour aborder l’esthétique environnementale. L’occasion en était donnée par la parution en 2022 de la traduction française de L’Engagement esthétique d’Arnold Berleant.

Dans son introduction, Maud Pouradier fit une brève histoire de l’esthétique environnementale : après une focalisation typiquement américaine sur l’appréciation esthétique de la nature et des environnements sauvages (wilderness), l’esthétique environnementale est progressivement devenue une branche de la philosophie de la perception environnementale et écologique. Berleant est exemplaire de cet élargissement de l’esthétique environnementale au début des années 1990.

Charles Bobant (ISPJS, Panthéon-Sorbonne) proposa ensuite sa lecture de L’Engagement esthétique, en soulignant la place de Merleau-Ponty et de Dufrenne dans les références du philosophe américain. Il s’intéressa plus particulièrement aux réflexions de Berleant sur l’architecture comme « design environnemental », notamment sa proposition de distinguer les architectures monolithique (l’église), cellulaire (les jardins de Versailles), organique (les maisons de Wright) et écologique (les troglodytes), les deux premières appelant une contemplation désintéressée, et les deux dernières appelant un engagement esthétique. Les discussions portèrent sur une ambiguïté de Berleant : la contemplation désintéressée est-elle une modalité de l’engagement esthétique ? Ou y a-t-il la contemplation désintéressée d’une part et l’engagement esthétique d’autre part ?

Jean-François Castille rappela que les jardins de Versailles étaient précisément conçus pour la promenade, et non la contemplation distante. D’autre part, Charles Bobant fit remarquer que Berleant ne sortait pas de l’esthétique du randonneur, incarnée par les textes de Ronald Hepburn. Berleant semble croire que nous déplacer dans la nature suffit à nous en rapprocher. Il reste ainsi prisonnier de la conception selon laquelle nous somme dans l’environnement. Or il y a, pour Charles Bobant, un tragique de la randonnée : plus nous avançons dans le paysage, et plus nous creusons la distance avec lui. Malgré sa lecture de Merleau-Ponty, Berleant ne pense pas cette distance ontologique, et demeure dans une conception interactionniste et deweyenne de la relation entre corps percevant et environnement.